Émotions sur le Mont-Blanc

Il y a une semaine tout pile, j’étais avec eux, sur le Massif du Mont-Blanc. Ça fait 7 jours déjà que j’essaie de décanter mes émotions. Il faut dire que le retour n’a pas été évident. Je crois que c’est ce qui arrive quand on vit une expérience si forte. L’instant est intense, exaltant. Je me sentais « juste » heureuse et entière. Alors, le temps est devenu mon ennemi. C’était trop tôt. Trop tôt pour quitter ces fabuleuses montagnes et leurs sommets glacées. Trop tôt pour les quitter eux. On se connaissait depuis 72h, même pas, et pourtant… En quelques jours, ils ont pris de la place. Des liens forts se sont tissés entre nous, comme seules les expériences extra-ordinaires savent créer. Ça unit de se serrer les coudes et de se soutenir. Il n’y a pas de place pour les faux-semblants.

Pour rappel, le projet Mont-Blanc – Opération Blizzard c’est : 3 personnes en situation de handicap, 12 sapeurs-pompiers de Paris, 2 infirmières et 4 guides de haute montagne, partis ensemble faire de l’alpinisme sur le Massif du Mont-Blanc. Normal quoi ! C’est la troisième année maintenant que l’expédition est menée, à l’initiative des sapeurs-pompiers (♥).

 » […] Un autre aspect me motive et me donne envie de prendre part à la Mission Mont Blanc. Quelque chose de plus personnel et d’universel à la fois. Quand je pense à cette expérience hors du commun, c’est le challenge humain qui me vient à l’esprit. J’imagine une cohésion d’équipe et une solidarité à toute épreuve. J’entraperçois des moments de complicité, des moments où on en bave, et puis aussi le bonheur d’atteindre l’objectif, ensemble.
Je suis certaine que mon imagination est bien en deçà de la réalité. »

En relisant ce passage de ma lettre de candidature, je trouve ces mots d’une clairvoyance étonnante. J’avais pressenti que cette aventure me retournerait. Sauf que je n’avais pas idée à quel point.

Bienvenue à la caserne

Arrivée la veille du grand départ à la caserne de Vincennes, j’ai été royalement accueillie. Rencontre avec les sapeurs-pompiers, visite des lieux, explications, essayage de la tenue de feu, petit tour sur la grande échelle… C’était passionnant de découvrir la vie d’un tel endroit. Fascinant d’observer les départs et retours d’interventions. Le terme « cohésion » a été prononcé à plusieurs reprises durant notre expédition sur le Mont-Blanc. La cohésion, je la ressentais ici, sur le bitume de la caserne. Fascinant, disais-je.

De la cohésion, il en a fallu pour avancer sur la glace. De la force, du courage, de la solidarité et des rires aussi. Installés sur des pulkas, Quentin, Alexandre et moi étions chacun encadrés/hissés par des sapeurs-pompiers ainsi que par un guide de haute montagne. Pas question de faire n’importe quoi chez Mère Nature. Si nos guides nous expliquent les distances à observer au sein de la cordée, le panneau « Glacier avec crevasse – Zone d’haute montagne – Danger de mort » produit également son petit effet. Étrangement, j’aime ce rappel sur notre condition humaine. Comme dans les parcs de Californie où il est clairement dit que si tu n’es pas prudent, tu peux te faire bouffer par un ours. Même chose ici (les ours en moins). La prudence est de mise.

Le Massif du Mont-Blanc est à nous !

Premier contact avec notre nouveau terrain jeu. Assise à raz-le-sol, à raz-la-neige, je me sens petite face à cette immensité de blanc et ses hautes aiguilles rocheuses. Petite mais en sécurité. Je suis parfois sur le qui-vive quand la pulka penche dans un sillon : pas très envie de tomber sur le côté et d’atterrir le nez dans la neige. Mais mes copains de cordée veillent au grain et tout se passe bien. Ils ont rapidement pris leur marque pour faire avancer tout notre petit groupe. Mais ce n’est pas si simple pour eux, je le sens bien. Les premières heures se déroulent sans trop d’embûche. Certaines pentes sont raides et demandent un effort particulier, de chercher leur appui et leur respiration. Cependant, ce n’est rien comparé à la dernière grosse étape de notre périple.

En plus de devoir grimper une côte bien raide, en plus de l’oxygène qu’il faut chercher par cette altitude, les températures nous jouent des tours. Il fait froid et le vent cingle nos visages, et pourtant le soleil a ramolli la couche supérieure de la glace. Le sol lisse où s’accrochaient les crampons des chaussures n’est plus. Une neige fondue où s’enfoncent les pieds l’a remplacé. Chaque pas est déséquilibré. Avancer dans de telle circonstance, seul, aurait déjà été difficile. Gravir cette pente raide, en tirant en plus une pulka et son/sa passager/passagère, c’est une épreuve. Les pensées culpabilisantes qui traversent mon esprit ressortent de ma bouche en mots d’encouragements à l’égard de mes champions.

Benjamin, Sarah, Hugo, Alex (x3), Quentin, Jordan, Anthony, Sergio, Gaëtan, Cédric, Sabrina, Kévin, Sylvain, Christophe, Carmine, je suis tellement heureuse et reconnaissante d’avoir vécu cette aventure à vos côtés… Un grand merci pour tout tout tout !

Je tiens à remercier Fabrice, Gaëlle, Sophie, Adeline, Jonathan, Muriel et Jean-Yves, Patricia, Anne, Michèle, Julie C., Corinne, Alexandra, Emilie, Mathieu, Aude, Eric, Hélène, Dominique, Teresa, Emmanuelle, Yveline, Henri, Françoise, Damien, Morgane, Julie M., Rabah, Pascale, Sylvian, Nicole et Alain, Zohra, Nicolas, Olivia, Anne, Sarah, Audrey et Jérémie, pour leur soutien et leur générosité. Sans eux et sans tous ceux qui ont contribué à la collecte de dons, la Mission Mont-Blanc n’aurait pas pu voir le jour. On n’aurait pas pu se prendre la claque qu’on s’est prise. On n’aurait pas montré et démontré qu’un handicap, qu’une différence, n’empêche en rien la réalisation de ses rêves. Et je ne serais pas là en train de vous écrire, le sourire aux lèvres et les yeux humides. Alors merci, vraiment.

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3 commentaire(s)
  1. Romain13/07/2016

    Excellent ! J'imagine que tout cela restera un souvenir inoubliable pour toi et tous les autres... Bien qu'ayant fait le Tour du Mont Blanc, nous ne sommes jamais aller à son sommet ... Un jour peut-être ... Encore bravo !

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    1. Audrey04/08/2016

      Merci Romain ! Ah de l'émotion, il y en avait ! Et il y en a toujours quand j'y repense ! Le tour du Mont-Blanc... les paysages devaient être fous ! Bon courage si tu te lances un jour sur le sommet ! :D et bons voyages !

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  2. Priscille Vigneron20/09/2017

    Parce que le handicap n'est pas que du négatif, je vous invite à venir sur le site pour nous aider à changer la réputation du handicap. Soyons acteur, en partageant

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