L’handivoyage à deux : mes questions à Corinne Stoppelli

Corinne Stoppelli, c’est une blogueuse voyage dont je suis les aventures depuis plusieurs années. Je dois avouer que son blog Vie Nomade fait partie des rares qui m’anime et qui attise ma curiosité de la sorte. Ses mots me captivent et je me reconnais souvent en eux. Je me retrouve embarquée et j’adore ça.
Après des échanges sur les réseaux, nous nous sommes rencontrées en chair et en os lors de la première édition du Salon des blogueurs voyage à Cannes. C’était confirmé : le courant passe plutôt bien entre nous ! Alors, après la deuxième édition du Salon, qui a eu lieu en Corse cette fois, nous avons eu envie de vadrouiller ensemble. Je ne voyage pas souvent avec quelqu’un, et encore moins avec de grands voyageurs aussi indépendants que Corinne. J’étais donc assez curieuse d’avoir son point de vue sur la manière dont nous avons voyagé ensemble, si mon handicap avait chamboulé son approche du voyage ou pas. Je lui ai donc fait passer un interrogatoire. Entre deux crêpes sur le port de Bonifacio (faut pas déconner non plus).

Corinne Stoppelli - Vie Nomade

Est-ce que mon fauteuil roulant a eu un gros impact sur ta manière de voyager habituelle ?

Le voyage est différent. On ne peut pas faire les mêmes choses car il y a plus de difficultés. Il faut prévoir plus de temps, et compter plus sur les gens pour des petites choses pratiques, comme passer une marche.
Sur la route, on s’est arrêtées peu souvent car il faut descendre le fauteuil, que ça prend du temps, et que ce n’est pas toujours adapté. Quand il n’y a pas de handicap à prendre en compte, on peut s’arrêter où on veut, descendre sur la plage, partir en rando, ou grimper sur des rochers (ndlr : Corinne maitrise la technique dite de la chèvre grimpeuse).
Pour ce qui est des hébergements, on a été beaucoup plus limité. Quand je faisais des recherches d’hôtels et d’AirBnB du côté de Bonifacio/Propriano, il y avait beaucoup d’offres. Quand j’ai coché le filtre « accessibilité », il n’y avait plus rien…

Est-ce qu’il y a des choses auxquelles tu ne t’attendais pas ?

Je ne pensais pas qu’il y aurait si peu d’hôtels adaptés. Je ne pensais pas non plus que c’était si difficile pour les hôteliers d’adapter leurs établissements, au vu de la grande diversité de handicap.
C’est vrai que je ne savais pas trop dans quoi je me lançais avec ce voyage. Je savais juste que je voulais voyager avec toi. Comme je n’avais pas d’a priori, j’étais prête à tout ! Et au final il n’y a pas eu de grosse surprise.

Y a-t-il des avantages à voyager avec quelqu’un en fauteuil roulant ?

Les places de parking réservées ! Quand il y en a et qu’elles sont disponibles, c’est super pratique !
-Les chambres et les salles de bains sont plus spacieuses. C’est plaisant.
-Ça permet d’être plus facilement proche des gens car ils s’inquiètent de savoir si tout va bien. De là, la discussion s’ouvre. Ça donne rapidement une idée sur la gentillesse et l’ouverture d’esprit de la personne.
-Ce qui est cool, c’est que moi j’ai besoin de bouger, et toi, tu avances ! Par exemple, dans les côtes de Bonifacio, quelqu’un d’autre aurait pu trainer des pieds, mais toi tu fonces avec tes 10km/h ! Faut juste faire attention à la batterie…
-Avantage non négligeable : le fauteuil peut porter des sacs et se transformer en mulet !

Corinne Stoppelli - Vie Nomade

Quels ont été les meilleurs moments de ce voyage ?

J’ai été surprise par les vues, les senteurs, les couleurs… Je ne m’attendais pas à tant de beauté ! Et puis cette flore, ces fleurs, et toutes ces espèces endémiques que je ne verrai jamais ailleurs… Ce qui m’a étonnée également, c’est l’accueil des gens. On est accueilli chez eux, comme à la maison.

Et le pire moment ?

Notre dîner à Bonifacio. On est tombées dans un piège à touristes. Tout ce que l’on a mangé durant notre séjour en Corse était de qualité. Il y avait un goût authentique, et c’était servi avec soin. Alors forcément quand on a commandé des beignets au brocciu, on savait très bien à quoi s’attendre et quel goût ça avait. Ce n’était pas très dur de remarquer que dans les beignets au brocciu, il n’y avait pas de brocciu… Ou que mon civet de sanglier s’était transformé en bœuf… J’ai vraiment été déçue. Ça ne donne pas du tout une bonne image. Et quand on voit tous les efforts qui sont fournis par d’autres personnes de l’île, comme ces artisans, c’est vraiment dommage.

As-tu senti une différence dans le regard des gens ?

J’ai été positivement surprise par la décence des gens. Je n’ai pas senti de choses dérangeantes, ni de remarques réductrices. Lors d’un précédent voyage aux Canaris, nous avons formé un trio assez improbable avec un vieux monsieur et un garçon en fauteuil roulant, que j’avais rencontré sur place. Le jeune garçon a tenu à me faire découvrir une fête qui se passait en ville. J’ai alors entendu des remarques, entre compassion et condescendance. « Le pauvre… » Le garçon était réduit à sa fragilité… Je me suis alors demandé si vu de l’extérieur, les gens pouvaient s’imaginer que nous étions juste une bande de copains venus faire la fête ; ou bien, est-ce qu’ils pensaient que nous étions les accompagnateurs du garçon ?

Je pense que les personnes différentes méritent qu’on soit normal avec elles. Elles savent qu’elles sont différentes. On n’a pas besoin de leur rappeler et encore moins de les réduire à ça.

Est-ce que c’est dur de voyager avec quelqu’un en fauteuil ?

Non ce n’est pas dur, juste un peu différent.

Si je te propose qu’on reparte ensemble, tu acceptes ?

Oui !

Corinne Stoppelli et Audrey Barbaud

Une conclusion ?

Tout s’est bien passé. Je n’ai pas fait moins de choses qu’avec quelqu’un d’autre ! Ce qui aurait pu être une difficulté n’en a pas été. Zéro accroc. Ça confirme ce que je pensais. J’encourage les gens à se lancer. Après ça dépend bien sûr de la personnalité de chacun et de son éducation, indépendamment de nos différences.

Pour moi ça a été une expérience importante. Ça m’a permis de voir le voyage différemment, et c’est d’ailleurs ce que je recherche au fil de mes voyages. Ça ouvre différentes perspectives et pistes de réflexions.


					

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8 commentaire(s)
  1. Stéphanie Handinary Stories22/08/2015

    super expérience! Et super retour et ressenti :)

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  2. Alain Comoli22/08/2015

    Interview très intéressant ! Ça doit être cool de voyager avec vous, les filles !

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  3. Solene22/08/2015

    Tres bonne idée cette petite interview Audrey ! Bises à bientôt Solene

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  4. Fondation Foch01/09/2015

    C’est comme si  vous avez eu connaissance de mes soucis ! bel article

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  5. Josiane et lionel07/09/2015

    on croit vous avoir encore avec nous . Revenez nous vite . Deux coeur gros comme ca ne peuvent que voyager et partager ensemble ; Pensées........

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  6. location ile maurice16/09/2015

    Enrichissante expérience, et un témoignage exceptionnel avec un sourire qui donne beaucoup d'espoir. En lisant votre article, j'ai pensé à tous les handicapés que soutient l'association dans laquelle je fais du bénévolat. Je leur partage votre joie de vivre afin de les aider à visionner leur avenir dans un cadre plus réjouissant. Merci beaucoup.

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  7. Gressier12/11/2017

    Bonjour, Merci pour vos commentaires, je me rends en Corse en fin d'année avec un ami handicapé. Partant de Moriani nous allons visiter Bonifacio et soit Sarténe soit propriano. Je pense que nous allons galérer un peu dans Bonifacio mais bon je pense que le coup d'oeil vaut bien quelques efforts. Encore merci et si le hasard nous fait nous rencontrer un jour.... Amicalement Emmanuel

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    1. Audrey29/11/2017

      Bonjour Emmanuel, Merci pour votre message. Bonifacio demande en effet quelques efforts en fauteuil roulant... Mais ça vaut le détour ! Bon voyage :)

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