Au Néolithique, handicap rimait avec solidarité.

Lors de mon séjour en Corse, j’ai eu le plaisir de rencontrer et d’échanger avec la journaliste Elisabeth Milleliri, une vraie Corse. Je souhaite partager avec vous une histoire liée au handicap qu’elle m’a transmise, et qui m’a touchée.

La Dame de Bonifacio vivait au Néolithique ancien. On a découvert son squelette en 1972 à Bonifacio. Elle devait avoir 35 ans à sa mort, ce qui pour l’époque était un âge respectable. On s’est aperçu qu’elle était handicapée dès sa naissance, avec pas ou très peu d’autonomie et que le groupe auquel elle appartenait avait pris soin d’elle, que ce soit de son vivant ou à sa mort : sa sépulture était organisée, ornée, son corps disposé selon un rite précis. Son histoire tend à indiquer que certaines valeurs ne sont pas le fruit de la « civilisation ».
Il y a 7000 ans avant notre ère, existaient des sociétés, des groupes, où chaque individu comptait, indépendamment de son aptitude à ramener du gibier, à cuisiner, à faire la guerre, à fabriquer des objets, à être « utile » à la survie de la tribu. Alors qu’on se figure ces temps reculés comme une période où seuls survivaient ceux qui avaient de la force physique, elle raconte une autre histoire : la valeur d’une vie ne tenait pas qu’à des fonctions dites « basiques ». Encore que je me plais à croire que la Dame avait un rôle dans son groupe.

Une des doyennes de la Corse était donc une personne handicapée. Une raison de plus d’y promouvoir et défendre l’accessibilité. Selon moi.
Le problème est qu’ici, on a tendance à penser encore comme au temps de la Dame : « tu ne peux pas marcher, monter dans l’avion ou l’ascenseur ? T’inquiète pas, on va te porter ! »
C’est gentil, ça avait du sens il y a 7 000 ans, lorsqu’il n’y avait pas les technologies actuelles, mais ça n’en a plus. Et ça devient lourd pour ceux qui tentent d’expliquer qu’ils veulent se déplacer par leurs propres moyens.

Elisabeth Milleliri

Le squelette de la Dame est conservée au musée de Levie.